Qu’est-ce qu’un moyen de preuve illicite ?

Avec les multiples moyens techniques à disposition, il peut être parfois tentant d’enregistrer ou de filmer, par exemple, une personne contre laquelle une procédure est en cours pour prouver ses mauvaises intentions. L’utilisation d’un simple smartphone suffit parfois pour obtenir ce genre de preuve.

Un moyen de preuve est considéré comme illicite, tant en matière civile qu’en matière pénale, lorsqu’il est obtenu en violation d’une règle de droit.

Tel est le cas par exemple d’un enregistrement sonore effectué à l’insu d’une autre personne. En effet, ce type de comportement est réprimé par l’art. 179ter al. 1 CP qui prévoit que «celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part, sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire».

Quand bien même un moyen de preuve est illicite, cela ne veut pas encore dire qu’il ne peut pas être utilisé dans le cadre d’une procédure. En effet, tant en matière civile qu’en matière pénale, il existe des cas dans lesquels leur production est envisageable.

En matière civile

L’art. 152 al. 2 CPC prévoit que le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

Pour savoir si un moyen de preuve obtenu de manière illicite peut être utilisé dans le cadre de la procédure civile, il faut déterminer à quel moment l’intérêt à la manifestation de la vérité est bien un élément prépondérant.

Pour le déterminer, le tribunal doit d’abord se demander si ce moyen de preuve est indispensable pour déterminer la vérité, puis s’il pouvait être obtenu par d’autres moyens licites.

Enfin, il doit encore procéder à une pesée des intérêts entre le bien juridique qui serait lésé en cas d’exploitation de la preuve et l’intérêt de la manifestation de la vérité.

En définitive, l’exploitation d’une telle preuve, qui n’est admise que de manière restrictive, va dépendre de chaque cas. Il faut rester très vigilant, car le risque est non seulement qu’elle ne soit pas admise mais aussi que la partie adverse porte plainte pénale à l’encontre de celui qui l’a produite.

En matière pénale

Conformément à l’art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves.

Tout comme en procédure civile, il convient d’effectuer une pesée des intérêts entre l’intérêt public à la découverte de la vérité et l’intérêt privé du prévenu à ce que la preuve demeure inexploitable. Plus l’infraction à élucider est grave, plus important sera l’intérêt public à la manifestation de la vérité.

La grande différence demeure sur le terme « infractions graves » prévu à l’art. 141 al. 2 CPP. En effet, seuls les crimes, soit les infractions passibles d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP), et quelques autres cas en matière de stupéfiants entrent dans cette catégorie.

Il peut arriver que l’autorité recueille un moyen de preuve de manière illicite (par exemple, des écoutes téléphoniques sans respecter la procédure). Dans ce cas, on admettra moins facilement la production d’une telle preuve de la part d’une autorité plutôt que d’un particulier. Dans tous les cas, on admet l’exploitation d’une preuve obtenue d’une manière pénalement répréhensible par un particulier lorsqu’elle aurait pu être obtenue licitement par l’autorité s’il avait été fait appel à elle (tel ne serait pas le cas par exemple des aveux obtenus sous la torture).

Qu’en est-il du particulier représenté par un avocat?

S’il apparaît qu’en matière pénale, en tout cas, le particulier bénéficie d’une indulgence particulière, qu’en est-il s’il est représenté par un avocat qui est au courant du caractère illicite du moyen de preuve produit?

Outre le risque d’une plainte pénale déposée à son encontre, l’avocat risque également une sanction disciplinaire en vertu de l’art. 12 let. a LLCA. En effet, le devoir de diligence qui lui est imposé par cet article l’oblige à défendre les intérêts de son client en utilisant les moyens légaux à sa disposition.

Dans tous les cas, l’avocat devra démontrer de manière très précise que les conditions de l’art. 152 al. 2 CPC en matière civile ou de l’art. 141 al. 2 CPP en matière pénale sont strictement remplies. Il ne bénéficiera évidemment pas de la même indulgence qu’un particulier vu ses connaissances juridiques.

Dans les causes de nature patrimoniale, le Tribunal fédéral a même retenu que l’intérêt à la découverte de la vérité matérielle grâce à un moyen de preuve illicite ne pouvait prévaloir face à l’intérêt public au respect strict d’une des règles déduites de l’art. 12 let. a LLCA.

Conclusion

Que ce soit un particulier seul ou représenté par un avocat, la prudence est de mise avant toute utilisation d’un moyen de preuve obtenu de manière illicite.

Il faut également garder en tête le risque d’une procédure pénale à l’encontre de celui qui produit une telle preuve avec à la clé une condamnation possible.

Il faut donc toujours bien se demander si la manifestation de la vérité pourrait être obtenue d’une autre manière (licite) et surtout si «le jeu en vaut la chandelle».

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