Je suis à la tête d’une entreprise de construction et j’en ai marre que mon chantier fasse l’objet de déprédations, de vol de machines ou encore que des intrus s’introduisent la nuit sans droit en dépit de toutes les règles de sécurité. Ai-je le droit d’installer un système de vidéosurveillance? Si oui, à quelles conditions?

Cadre général

Conformément à l’art. 12 de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD), quiconque traite des données personnelles ne doit pas porter une atteinte illicite à la personnalité des personnes concernées.

Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a constaté dans sa recommandation du 18 février 2009 que l’enregistrement d’images concernant des personnes physiques identifiées ou identifiables à l’aide d’une caméra de surveillance constitue un traitement de données susceptible de porter atteinte à la personnalité d’un grand nombre de personnes.

L’art. 13 LPD dispose qu’une atteinte à la personnalité est illicite à moins d’être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi.

Il s’agira donc de déterminer de situation en situation si la présence d’une caméra de surveillance paraît être justifiée en fonction des conditions exposées ci-avant.

Le cas spécifique du chantier

a) Pose d’une caméra de surveillance la nuit

On peut aisément comprendre ce chef d’entreprise qui, pour s’éviter les désagréments dont il est victime, s’équipe de caméras de surveillance. Mais est-ce justifié dans cette situation précise?

Dans le cas d’espèce, la vidéosurveillance est utilisée pour des raisons de sécurité, soit pour éviter les déprédations, les vols ou l’introduction d’intrus sur le chantier pendant la nuit. De plus, si elle est enclenchée uniquement pendant la nuit, elle ne filme pas le personnel en train de travailler. Il existe donc bien un intérêt prépondérant.

b) Pose d’une caméra de surveillance en journée

Si une caméra est également enclenchée la journée, cela pose un problème du point de vue de la protection de la personnalité du travailleur (art. 328 CO). En effet, dans un tel cas, l’employé pourrait se sentir épié et cela pourrait impacter sa santé psychique.

L’art. 26 de l’Ordonnance 3 relative à la Loi sur le travail (OLT3) détermine les conditions dans lesquelles les collaborateurs peuvent faire l’objet d’une surveillance au travail. Cet article concrétise l’interdiction de l’utilisation d’un «système de surveillance ou de contrôle destiné à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail».

Dans ce cas, trois conditions doivent être impérativement remplies:

1) L’existence d’un intérêt prépondérant autre que la surveillance du comportement du travailleur (la sécurité du personnel, de l’entreprise ou l’optimisation de la production). L’intérêt à installer une caméra de surveillance doit être supérieur à la protection de la personnalité du travailleur. Le bien à surveiller doit donc être suffisamment important pour justifier une relégation de la personnalité du travailleur au second plan. Tel pourrait être le cas de la surveillance d’une salle des coffres dans une banque.

2) Proportionnalité entre l’intérêt de l’employeur à recourir à une surveillance et l’intérêt des travailleurs à ne pas être surveillés. Lorsqu’il existe un intérêt prépondérant, encore faut-il que le moyen de surveillance mis en place soit proportionné. En effet, si du matériel situé dans un local précis fait constamment l’objet de vols, l’installation d’une caméra dans ce local dirigée sur l’endroit précis où se situe le matériel semble être proportionnée. Par contre, si les caméras sont installées partout ailleurs, le moyen pourrait être considéré comme disproportionné.

3) Participation des travailleurs à la mise en place d’un système de surveillance. En effet, les travailleurs disposent d’un droit à l’information et à la consultation au sens des art. 5 et 6 OLT3. Les employés susceptibles d’entrer dans le champ de vision doivent dans tous les cas être informés par écrit (ou à tout le moins par le biais de l’affichage d’un avis) de la présence de la caméra.

Dans le cas spécifique du chantier, une caméra de surveillance en journée pourrait être envisagée lorsque l’architecte ou le maître de l’ouvrage se trouve à l’étranger et qu’un contrôle de l’avancement du chantier ne peut se faire que par des prises de vue à distance. Attention tout de même à l’emplacement des caméras et à ne pas utiliser ce moyen pour surveiller constamment les employés.

Conclusion

En définitive, si la présence d’une caméra de surveillance pendant la nuit alors qu’il n’y a plus d’employés est envisageable, il est impossible de tirer une telle règle générale lorsqu’elle fonctionne également la journée en présence d’employés.

Comme évoqué ci-dessus, chaque cas doit faire l’objet d’une analyse particulière avec la prise en compte des trois conditions que sont l’existence d’un intérêt prépondérant, le principe de proportionnalité et la participation des travailleurs à la mise en place du système de surveillance.

Partagez sur les réseaux