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«Je dirige une entreprise qui emploie plusieurs employés, certains faisant l’objet de contrat à durée indéterminée et d’autres de contrat à durée déterminée. Compte tenu des circonstances sanitaires actuelles, je n’ai plus assez de travail pour occuper la totalité de mes employés à leur taux de travail habituel. Que puis-je faire?»

La réduction de l’horaire de travail (RHT), communément appelée chômage partiel

Lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés et ne peut plus employer ses collaborateurs au taux usuel en raison de facteurs économiques inévitables ou des mesures prises par les autorités, la Loi suisse sur l’assurance-chômage prévoit la possibilité de recevoir une compensation convenable sous la forme d’une indemnité. Le but de cette institution est d’éviter que les employeurs aient recours au licenciement lorsqu’ils sont dans une situation économique temporairement difficile.

Les conditions du chômage partiel sont prévues aux articles 31 et suivants de la Loi sur l’assurance-chômage. Brièvement résumées, elles comprennent les éléments suivants en temps normal:

  • L’employé cotise à l’AVS/AI;
  • L’employé fait l’objet d’un contrat à durée indéterminée;
  • L’employé donne son accord pour être mis au chômage partiel (au vu de la baisse de salaire que cela représente pour lui);
  • Le contrat de travail n’a pas été résilié, ni par l’employeur ni par l’employé;
  • La perte de travail est due à des motifs économiques inévitables, qui ne relèvent pas du risque «habituel» de l’entreprise;
  • La perte de travail s’élève au moins à 10% de l’ensemble des heures normalement travaillées, ce qui implique que l’horaire de travail doit être contrôlable et la perte de travail est donc déterminable.

Si l’on remplit toutes les conditions, l’assurance-chômage versera une indemnité correspondant aux 80% de de la perte de gain de l’employé prise en considération, soit de la part du salaire correspondant au temps diminué, avec comme plafond le montant maximum du gain déterminant de l’assurance-accidents obligatoire (Fr. 148’200.- par an selon l’article 22 de l’Ordonnance sur l’assurance-accidents). S’agissant des charges sociales, l’employeur sera tenu de prélever celles-ci sur la durée normale du travail, qui seront donc calculées sur le salaire à 100% de l’employé.

Quelques modifications touchant le régime du chômage partiel dans les circonstances actuelles du Covid-19

Suite à l’apparition de la crise sanitaire du Covid-19, le Conseil fédéral a prononcé un semi‑confinement et a ordonné la fermeture de nombreux commerces non essentiels aux besoins vitaux, ayant pour conséquence un ralentissement important de la vie économique et sociétale. Afin de faciliter l’accès au chômage partiel aux différentes entreprises qui souffrent de ces directives, une Ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19) (RS 837.033, état au 9 avril 2020) a été rendue. Dite ordonnance modifie temporairement les conditions liées au chômage partiel.

Le Conseil fédéral a notamment largement élargi le cercle des personnes pouvant bénéficier de l’indemnité en raison d’une réduction de l’horaire de travail. Dorénavant, elle inclut également les travailleurs sur appel dont le taux d’occupation varie de plus de 20% et à condition qu’ils travaillent dans l’entreprise depuis plus de six mois. Les employés au bénéfice d’un contrat de durée déterminée, d’un contrat d’apprentissage ou d’une organisation de travail temporaire auront eux aussi accès aux indemnités de chômage partiel. L’article 31 alinéa 3 de la Loi sur l’assurance-chômage excluait également de facto les employés dirigeants d’une entreprise et les associés. Or, afin de protéger ces derniers des conséquences financières de la pandémie, le Conseil fédéral a également permis à ces deux catégories de percevoir une indemnité forfaitaire mensuelle de Fr. 3’320.- pour une occupation à temps plein.

S’agissant des démarches pour demander une indemnité, l’employeur n’a notamment plus besoin de la signature écrite de l’employé pour pouvoir demander le chômage partiel. Cela ne signifie toutefois pas que l’accord de celui-ci n’est plus nécessaire. L’employé peut librement refuser d’être mis au chômage partiel, étant précisé qu’il doit ensuite faire face aux conséquences pratiques, soit notamment le risque de licenciement qui ne sera pas considéré comme abusif en présence d’une nécessité économique.

Un exemple de calcul concret

L’employé perçoit en temps normal un salaire brut de Fr. 3’500.- mensuellement, pour un taux d’occupation de 100 %, soit 45 heures par semaine. Il donne son accord pour être mis au chômage partiel et voit son temps de travail réduit de 50% au mois d’avril 2020. Il n’a donc finalement travaillé que 99 heures ce mois-ci.

Salaire perçu en temps normal (total des charges = Fr. 345.30):

Salaire mensuel brut   Fr. 3’500.-
Déduction AVS/AI/APG/AC 6,375% – Fr. 223.15
Cotisation PC famille, Assurance-accident non -prof. et assurance-maladie – Fr. 53.75.-
Déduction pour la LPP – Fr. 68.40

Salaire net perçu par l’employé : Fr. 3’154.70

 

Salaire perçu en cas de réduction de l’horaire de travail de 50% :

Part du salaire brut versé à 100% par l’employeur, soit pour 99 heures de travail Fr. 1’750.-
Déduction des charges sociales correspondant au salaire normal à 100% – Fr. 345.30
Indemnité chômage partiel versée, 80% du salaire pour 99 heures de travail Fr. 1’400.-

Montant perçu par l’employé: Fr. 2’804.70

Une question essentielle, mais non résolue: l’obligation ou non pour l’employeur de compléter les 20% du salaire de son employé au chômage partiel

Dès lors que le travailleur perçoit une indemnité qui ne couvre que les 80% de son salaire usuel, il se pose forcément la question de savoir si l’employeur est tenu de compenser les 20% restants. Il est établi que certains risques sont à la charge de l’employeur et que ce dernier est donc tenu de payer à ses employés l’entier du salaire même si ces risques venaient à se réaliser. Il s’agit des risques d’entreprise, soit les risques inhérents à l’activité de l’employeur (par exemple une pénurie de matières premières, des problèmes de logistique, etc.) ou des risques économiques, soit des situations dans lesquelles l’exercice de l’activité est possible, mais ne servirait pas économiquement à l’employeur (par exemple, une chute des prix). La situation actuelle est absolument inédite, raison pour laquelle une partie de la doctrine considère que de telles circonstances, à savoir une fermeture forcée de nombreux établissements ainsi qu’un semi-confinement, ne peuvent être mises à la charge de l’employeur et donc que celui-ci ne devrait pas être obligé de compléter les 20% restants.

Il faudra toutefois patienter jusqu’à ce que le Tribunal fédéral ait l’occasion de trancher cette question pour obtenir une réponse définitive.

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