Je vis dans un immeuble en centre-ville dont je suis propriétaire. Une épicerie est exploitée dans le bâtiment voisin. Celle-ci a fait installer des climatiseurs industriels sur son toit, qui fonctionnent jour et nuit et font un tel bruit que je ne parviens pas à dormir la nuit. Mes locataires se sont également plaints de la situation et menacent de partir. Que puis-je faire?
Il est fréquent que les conflits de voisinage portent sur les bruits excessifs provoqués par un voisin. Pourtant, un bruit que l’un considère comme nuisible peut être tout à fait raisonnable pour une autre personne. Pour déterminer ce qui est tolérable ou non, l’on doit pouvoir se référer à certaines règlementations qui indiquent quelles sont les limites de bruit à ne pas dépasser. Si aucune solution ne peut être trouvée avec l’auteur des nuisances, un juge devra apprécier la situation au vu de l’ensemble des circonstances pour examiner si ces nuisances sonores sont excessives ou non.
Si vous êtes locataire et que le voisin indélicat se trouve dans le même immeuble, vous pouvez vous fonder sur l’article 257f alinéa 2 du Code des obligations, qui prévoit que «le locataire est tenu d’avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus». Pour savoir si les bruits émis par un voisin sont excessifs, il est possible de se référer à un règlement d’immeuble ou directement aux Règles et usages locatifs du Canton de Vaud. Vous pouvez en tous les cas interpeller votre régie en l’informant de ce qui se passe. Celle-ci devra prendre des mesures si les nuisances sont effectivement excessives. Dans le cas contraire, il sera possible de procéder à une consignation de loyer en raison d’un défaut de la chose louée. Pour ce faire, il faudra toutefois au préalable procéder à un avis des défauts à l’attention de la régie et lui impartir un délai convenable pour prendre les mesures nécessaires, en indiquant la menace d’une consignation de loyer.
Dans notre exemple, les nuisances sonores proviennent de l’immeuble voisin. On ne peut donc pas se référer à cette règle du droit du bail pour demander de retirer ou éteindre les climatiseurs. Dans ce cas-ci, il convient de se fonder notamment sur les articles 679 et 684 du Code civil. Le premier prévoit la possibilité de se protéger des excès commis par un voisin dans l’usage de son fonds, excès qui sont précisés au second article. Il est en particulier indiqué que «la pollution de l’air, les mauvaises odeurs, le bruit, les vibrations, les rayonnements ou la privation de lumière ou d’ensoleillement qui ont un effet dommageable et qui excèdent les limites de la tolérance que se doivent les voisins d’après l’usage local, la situation et la nature des immeubles» sont interdits.
Il est recommandé d’essayer de régler un tel litige à l’amiable. Dans notre cas, il conviendrait d’interpeller l’épicerie qui a fait installer les climatiseurs pour lui demander de remettre en conformité son installation ainsi que communiquer le problème au propriétaire de l’immeuble, si la personne à l’origine du bruit est locataire.
Si cette démarche n’aboutit pas, il est possible de déposer une action en cessation de l’atteinte. Cette action permet de demander l’interdiction du comportement excessif et gênant, soit dans notre cas l’exploitation continue des climatiseurs industriels. Afin de déterminer si l’immission est illicite, il convient de déterminer l’intensité de l’effet dommageable sur la base de critères objectifs. Le juge procédera à une pesée impartiale des intérêts des parties, en se fondant sur la sensibilité d’une personne raisonnable et dans la moyenne afin de déterminer si le bruit est excessif ou non. Il examinera notamment la situation, la nature des immeubles et pourra également se référer à des règles relatives à la protection contre le bruit, telles que par exemple le Règlement général de police de la Commune de Lausanne ou l’Ordonnance sur la protection contre le bruit.
De plus, si vous subissez un dommage ou vous risquez d’en subir un, il est possible de demander au Tribunal de statuer en urgence sur votre demande. Dans notre exemple, certains locataires menacent de résilier leur contrat de bail en raison du bruit causé par les climatiseurs, ce qui représente un risque de dommage pour notre propriétaire. Le propriétaire a aussi indiqué ne plus être en mesure de dormir la nuit. Sur la base de ces éléments, un juge pourrait ordonner, selon les circonstances, que les climatiseurs soient désactivés temporairement, durant la nuit par exemple.