Selon le droit suisse actuellement en vigueur, toute personne a la possibilité d’introduire une poursuite à l’encontre d’un tiers sans avoir à justifier du bien-fondé de la créance. Il peut donc arriver qu’une personne mal intentionnée introduise une poursuite dans un unique but chicanier.
Une telle démarche peut avoir des impacts non négligeables sur la personne poursuivie, si elle est notamment en recherche d’emploi, sur le point de signer un nouveau contrat de bail ou encore de conclure un nouveau crédit.
La première démarche importante que doit effectuer la personne poursuivie est de faire opposition au commandement de payer dans les dix jours suivant sa notification. Ensuite, c’est au créancier d’agir dans un délai d’une année suivant la notification du commandement de payer pour faire lever l’opposition, faute de quoi la poursuite se périme (art. 88 de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (ci-après : LP)).
Si attendre une année que la poursuite se périme peut déjà paraître long lorsque l’on a besoin de présenter un extrait des poursuites (si possible vierge), les ennuis ne s’arrêtent pas là. En effet, la poursuite, bien que périmée, reste encore inscrite pendant cinq ans sur l’extrait du Registre des poursuites (art. 8a al. 4 LP).
Droit actuel
Actuellement, le débiteur injustement poursuivi a cinq solutions qui s’offrent à lui :
- Il peut tenter de demander au créancier de retirer spontanément sa poursuite. Cependant, si la poursuite est chicanière, il y a fort à parier que le créancier refusera de collaborer.
- Lorsqu’il est manifeste que la poursuite a été introduite délibérément pour tourmenter le poursuivi, il peut agir par la voie de la plainte LP afin de faire constater la nullité de la poursuite (art. 17ss LP). La procédure de plainte est gratuite et a pour objectif de ne plus faire apparaître la poursuite sur l’extrait.
- Il peut requérir l’annulation de la poursuite en procédure sommaire (art. 85 LP). Cette procédure est simple, rapide et peu coûteuse, mais ne peut être utilisée que si le poursuivi prouve par titre que la dette est éteinte ou qu’elle n’a jamais existé. Si la poursuite a été introduite dans un unique but chicanier, il sera difficile, voire impossible de prouver un tel fait par titre.
- Il peut ouvrir action en annulation de la poursuite en procédure ordinaire ou simplifiée (art. 85a LP). Cette action ne peut être introduite que si le débiteur a préalablement formé opposition contre la poursuite et que l’opposition a été écartée dans une procédure. Cette solution, plus coûteuse, ne peut être utilisée dans le cas où le créancier reste passif une fois l’opposition formée.
- Il peut enfin ouvrir action pour faire constater l’inexistence de la créance (art. 88 CPC). Cette procédure est longue et coûteuse et implique que le poursuivi doit effectuer lui-même l’avance de frais calculée en fonction de la valeur litigieuse. Ce sera cependant au créancier de prouver l’existence de sa créance.
Nouveau droit
Dès le 1er janvier 2019 entrera en vigueur la modification de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Grâce à cette modification, le débiteur pourra notamment demander provisoirement à l’Office des poursuites, dans un délai de trois mois dès la notification du commandement de payer, de renoncer à porter à la connaissance de tiers une poursuite contre laquelle il a formé opposition, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de vingt jours imparti par l’Office des poursuites, qu’il a entamé à temps une procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84 LP).
Il sera également possible d’intenter une action en annulation de la poursuite (art. 85a LP) même si le débiteur n’a pas formé opposition.
Puisque rien n’est prévu en ce qui concerne le droit transitoire, il reste encore à déterminer si ce nouveau droit sera applicable uniquement aux poursuites introduites dès le 1er janvier 2019 ou s’il le sera également pour celles introduites antérieurement, ce qui semblerait logique. Cette question n’est pas anodine puisque si l’on est victime aujourd’hui d’une poursuite injustifiée, il sera judicieux de ne pas agir immédiatement et d’attendre l’application du nouveau droit plus favorable.